Aspects scientifiques des substances visant à améliorer les performances

Zach Baum , Information Scientist, CAS

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Les Jeux olympiques d'été révèlent d'étonnantes histoires de triomphe, de détermination et d'exploits athlétiques. Alors que les athlètes cherchent constamment de nouvelles solutions tout en restant dans les règles (des régimes alimentaires aux chambres hyperbares en passant par la cryothérapie), les substances améliorant la performance (SAP) représentent une ligne rouge à ne pas franchir. Les substances améliorant la performance sont constamment observées, suivies et testées par le Comité international olympique, l'Agence antidopage américaine et l'Agence mondiale antidopage. Même si les produits et les méthodologies ont évolué, les stéroïdes anabolisants androgènes (SAA) restent des substances clés pour l'amélioration de la performance utilisées lors des Jeux olympiques au Tour de France en passant par les triathlons Ironman et même dans des compétitions plus discrètes comme les CrossFit Games. Cet article fournit des détails au sujet de certaines substances courantes utilisées pour améliorer la performance et les mesures prises pour détecter ces produits.

Que sont les substances améliorant la performance ?

Il est essentiel de bien comprendre les stéroïdes, leurs métabolites et la testostérone pour développer des protocoles d'analyse visant à permettre leur détection. La testostérone (T) est une hormone naturelle et le ligand natif du récepteur d'androgène. Lorsque ce récepteur se lie à un androgène comme la testostérone ou à un stéroïde synthétique, il s'active, ce qui produit les effets recherchés d'amélioration de la performance, notamment une augmentation de la force musculaire, de la densité osseuse et de la production de globules rouges. Même si des muscles et des os plus forts représentent un atout évident pour un athlète, la production accrue de globules rouges achemine plus d'oxygène vers les muscles et les organes, ce qui renforce la production d'énergie et la récupération. La testostérone (synthétique et naturelle) est donc le composant de base des stéroïdes anabolisants.

Les stéroïdes anabolisants sont classés en trois catégories principales (figure 1 ci-dessous) :

  • Dérivés de la testostérone
  • Dérivés de la 5α-dihydrotestostérone (DHT)
  • Dérivés de la 19-nortestostérone

Trois catégories principales de stéroïdes anabolisants

Figure 1 : structure de la testostérone comparée à celle des dérivés courants de la testostérone androgène anabolisante, des dérivés de la 5α-dihydroxytestostérone et des dérivés de la 19-nortestostérone.

Les différences en termes de structure, d'activités des substrats et de demi-vie affectent les profils biologiques de ces dérivés de la testostérone androgène anabolisante. Ces différences sont la base de la conception de méthodes visant à détecter ces composés, d'autant plus que nous possédons tous de la testostérone naturellement.

Comment sont détectées les substances améliorant la performance ?

Pour chaque médicament, l'identification de ses métabolites principaux est la première étape du développement d'un test diagnostic direct dans l'urine, le sang ou la salive. Le corps humain produit de la testostérone (T) et de l'épitestostérone (E) naturelles (endogènes) selon un ratio d'environ 0,4-2 (figure 2A)1. L'une des premières méthodes de détection mesurait simplement le ratio de testostérone et d'épitestostérone dans des échantillons d'urine. Si le ratio T/E dépasse 4, on soupçonne un dopage avec un produit de testostérone exogène. Pour confirmer la présence de T exogène, le laboratoire peut mesurer le ratio d'isotopes de 13C :12C dans la T, car la T fabriquée en laboratoire possède un ratio 13C :12C légèrement plus faible que la T2 endogène. Cette méthodologie a été utilisée lors des poursuites engagées contre Floyd Landis au sujet de ses performances lors du Tour de France 2006, afin de prouver qu'il avait bien utilisé de la testostérone exogène.

Paramètres de test pour la détection des stéroïdes anabolisants

Figure 2. Paramètres de test pour la détection de stéroïdes androgènes anabolisants. A : Structures de la testostérone (T) et de l'épitestostérone (E), produites selon un ratio de 0,4 : 2 par le corps humain. Des valeurs de T/E supérieures à 4 sont considérées comme une preuve de dopage aux SAA. B : Métabolisme et procédures d'analyse nécessaires à la détection de stanozolol par une analyse d'urine.

Lorsqu'un produit à base de stéroïdes est utilisé dans le cadre d'une compétition, il incombe aux régulateurs de comprendre ses propriétés et son métabolisme afin de le détecter et de l'analyser. Ce fut le cas lors des Jeux olympiques de Séoul en 1988 lorsque le sprinter Ben Johnson battit le record du monde du 100 mètres, avant que sa médaille d'or ne lui soit retirée à la suite d'un test positif au stanozolol. Pour développer une méthode de détection de cette substance, les chercheurs ont dû comprendre le métabolisme du stanozolol et la manière de le détecter avec la plus grande sensibilité. La voie principale du métabolisme du stanozolol est présentée sur la ligne verticale de la figure 2B, avec le traitement de l'échantillon nécessaire pour détecter les métabolites au moyen de la chromatographie en phase gazeuse temporisée-spectrométrie de masse (GC-MS)3. Toutefois, le stanozolol produit en plus petite quantité un autre métabolite appelé 17-épi-stanozolol-N-glucuronide, présenté sur la ligne horizontale de la figure 2B. Ce métabolite possède une durée de vie longue et peut être détecté pendant 28 jours après son administration ! Pour détecter le stanozolol à partir de ce métabolite, une combinaison complexe de méthodes impliquant l'ionisation par électronébuliseur (ESI) et la chromatographie en phase liquide avec spectrométrie de masse (LC-MS) a été développée plus récemment. En termes simples, ces techniques produisent des ions qui peuvent être séparés et identifiés par leur masse pour caractériser et identifier les métabolites présents.


Pourquoi les substances améliorant la performance représentent-elles un problème constant ?

Pendant que les scientifiques s'efforçaient d'améliorer les techniques de détection des stéroïdes androgènes anabolisants qu'ils connaissaient au début des années 2000, le joueur de baseball Barry Bonds enchaînait les home runs. La ligue de baseball était loin de se douter qu'en coulisses, Bonds et d'autres athlètes utilisaient un stéroïde récemment synthétisé, la tétrahydrogestrinone (THG), spécifiquement conçue pour ses effets anabolisants puissants et dans l'optique des protocoles de test antidopage. Qualifiée de « transparente », la THG était initialement indétectable dans les urines, car le programme antidopage ignorait tout de son existence et de ses métabolites. Pendant une enquête, un échantillon de THG fut extrait du résidu d'une seringue usagée et identifié. Après quoi, il devint très simple de développer une méthode LC-MS/MS pour la détecter4.

Le scandale du baseball illustre certains des problèmes qui entourent la détection directe des SAA dans les programmes antidopage. Tout d'abord, le processus de sélection consiste à rechercher les métabolites de substances connues ; une organisation bien équipée peut donc synthétiser des « stéroïdes de créateur » qui n'ont encore jamais été rencontrés afin d'éviter la détection. Même lorsqu'un protocole de test est en place, des tests irréguliers (comme dans la ligue de baseball, où des tests sont organisés deux fois par an) peut permettre à l'utilisation de stéroïdes de passer inaperçue ; en cas de périodes plus prolongées entre les tests, la concentration de métabolites des stéroïdes passe plus facilement sous la limite de détection. Un athlète peut aussi utiliser des agents masquants et des diurétiques pour éviter la détection5, ce qui représente une charge supplémentaire lors des administrations de test.

Les agences antidopage avaient connaissance de ces problèmes et de l'utilisation continue de substances améliorant la performance, malgré leurs efforts pour les contenir. Dès les années 1990, les recherches avaient montré qu'en l'absence d'agents exogènes, les concentrations et les ratios de testostérone, de ses précurseurs et de ses métabolites restent remarquablement stables dans l'urine d'un individu et que les stéroïdes androgènes anabolisants ont un effet durable sur ces valeurs par ailleurs stables. Toutefois, ce n'est qu'en 2007 que les chercheurs ont adopté l'inférence bayésienne pour formaliser la détection de valeurs anormales dans ces ratios. Ces ratios, associés à un profil hématologique, constituent le passeport biologique de l'athlète (PBA). Ce passeport est un outil de comparaison puissant qui renforce notre aptitude à détecter les substances améliorant la performance.

Développements futurs de la surveillance des substances améliorant la performance

Les bio-essais in vitro constituent une autre approche prometteuse non ciblée pour détecter les androgènes. En altérant les cellules avec des protéines rapporteuses en vertu de la réglementation des éléments de réponse aux androgènes, ces essais permettent de détecter l'activation du récepteur des androgènes, quelle que soit sa source6. Cela rend les essais biologiques utiles pour détecter les androgènes dans des échantillons de composition inconnue, par exemple dans les suppléments alimentaires, qui, ces dernières années, ont entraîné l'ingestion involontaire de substances interdites par certains athlètes. Le développement plus poussé de méthodes de détection basées sur des essais biologiques non ciblés aidera sans doute les chercheurs à caractériser les androgènes émergents, qu'il s'agisse de stéroïdes ou de membres de la classe émergente des modulateurs sélectifs du récepteur des androgènes, qui sont structurellement très différents de la testostérone et dont le métabolisme n'est pas aussi bien compris7 (figure 3).

Modulateurs du récepteur des androgènes

Figure 3. Structures chimiques de modulateurs du récepteur des androgènes (SARM) populaires utilisés abusivement.

Résumé

Si l'on se tourne vers les Jeux olympiques et au-delà, il y aura sans doute des scandales autour du dopage de certains individus, parfois à la demande de leur fédération. Telle est la nature apparente du sport de haut niveau. En cas d'utilisation de substances de créateur pour éviter la détection, ces composés, par leur nature même, n'auraient pas été cliniquement testés pour vérifier leur innocuité et représenteraient par conséquent un risque pour la santé des athlètes. Mais à mesure que les organisations sportives continueront à faire preuve de créativité dans la pharmacologie qu'elles déploient, la science continuera à équiper les autorités antidopage des connaissances et des capacités d'analyse nécessaires pour détecter les substances améliorant la performance. L'optimisation de ces capacités servira de dissuasion pour minimiser le dopage, promouvoir la santé dans le sport et préserver un semblant d'équité.


Références

1. Donike, M., Nachweis von exogenem Testosteron. Dt. Ärzte-Verl.: Köln, 1983; p S. 293-298.

2. Polet, M.; Van Eenoo, P., GC-C-IRMS in routine doping control practice: 3 years of drug testing data, quality control and evolution of the method. Anal Bioanal Chem 2015, 407 (15), 4397-409.

3. Schänzer, W.;  Opfermann, G.; Donike, M., Metabolism of stanozolol: identification and synthesis of urinary metabolites. J Steroid Biochem 1990, 36 (1-2), 153-74.

4. Catlin, D. H.;  Sekera, M. H.;  Ahrens, B. D.;  Starcevic, B.;  Chang, Y. C.; Hatton, C. K., Tetrahydrogestrinone: discovery, synthesis, and detection in urine. Rapid Commun Mass Spectrom 2004, 18 (12), 1245-049.

5. Alquraini, H.; Auchus, R. J., Strategies that athletes use to avoid detection of androgenic-anabolic steroid doping and sanctions. Molecular and Cellular Endocrinology 2018, 464, 28-33.

6. Lund, R. A.;  Cooper, E. R.;  Wang, H.;  Ashley, Z.;  Cawley, A. T.; Heather, A. K., Nontargeted detection of designer androgens: Underestimated role of in vitro bioassays. Drug Testing and Analysis 2021, 13 (5), 894-902.

7.Thevis, M.; Schänzer, W., Detection of SARMs in doping control analysis. Molecular and Cellular Endocrinology 2018, 464, 34-45.