Le séquençage du génome humain au début du XXIe siècle promettait une nouvelle ère d'opportunités pour le secteur pharmaceutique, élevant les attentes aussi bien que les dépenses en R&D. Mais si la pression en faveur de l'innovation est plus forte que jamais, la FDA approuve en réalité 25 % de médicaments de moins que dans les années 1990.
Que se passe-t-il donc ? Pourquoi les laboratoires pharmaceutiques dépensent-ils plus d'argent et consacrent-ils plus de temps (souvent jusqu'à 15 ans) à développer de nouvelles entités chimiques (NCE), pour les voir échouer avant d'arriver sur le marché ? Et comment faire pour améliorer la situation ?

Pourquoi tant de NCE échouent-elles en cours de développement ?
Plusieurs études ont cherché à comprendre les causes majeures de l'attrition dans la découverte et le développement de médicaments. Réunissant des données provenant de multiples laboratoires pharmaceutiques, ces enquêtes ont révélé des résultats intéressants.
Une étude récente de Waring et ses collègues a analysé les principales causes d'attrition dans le développement de médicaments à partir d'un examen de 812 NCE en cours de développement par AstraZeneca, Eli Lilly, GlaxoSmithKline et Pfizer. Cette étude a également pris en compte des NCE en phase préclinique en examinant des produits nommés pour entrer dans des études de toxicologie précliniques avant de progresser vers la phase I.
Cause d'attrition | Taux global | 2000-2005 | 2006-2010 | De la phase préclinique à la phase I | Phase I | Phase II |
---|---|---|---|---|---|---|
Toxicologie non clinique | 40 % | 40 % | 40 % | 59 % | 13 % | 8 % |
Rationalisation du portefeuille | 21 % | 13 % | 32 % | 21 % | 18 % | 19 % |
Sécurité clinique | 11 % | 13 % | 8 % | 1 % | 25 % | 25 % |
Efficacité | 9 % | 11 % | 4 % | 3 % | 9 % | 35 % |
Pharmacocinétique | 5 % | 5 % | 4 % | 1 % | 16 % | 1 % |
Les taux globaux de progression de la phase préclinique à la phase IV étaient faibles. Même si de nombreux facteurs d'attrition ont été identifiés, la toxicité non clinique et, étonnamment, la rationalisation du portefeuille ont été citées comme les causes les plus courantes de l'échec du développement de médicaments. Une fois en phase clinique, la sécurité clinique et l'efficacité étaient les facteurs les plus courants de l'échec des programmes, représentant un peu moins des deux tiers de l'attrition générale.
Comment réduire les taux d'attrition dans le développement de NCE ?
Ces résultats mettent en évidence le besoin urgent d'améliorer la santé générale du pipeline pharmaceutique. Quelles stratégies devraient donc adopter les entreprises pour surmonter ce défi ?
1. Les propriétés physicochimiques des médicaments sont importantes
On a beaucoup parlé de la « Règle des cinq » de Lipinski dans le développement de médicaments modernes. Les règles de Lipinski ont été initialement créées comme des lignes directrices pour améliorer la biodisponibilité des médicaments administrés par voie orale en définissant des seuils pour les facteurs physicochimiques majeurs, comme le poids moléculaire. Toutefois, leur large adoption dans de grandes sections de l'industrie a incité certaines personnes à se demander si elles contribuent bien au défi de l'attrition.
Même si on peut certainement plaider en faveur de l'adoption d'une approche plus nuancée et plus pragmatique de l'application des règles de Lipinski, l'étude de Waring démontre que leurs principes sous-jacents façonnent le succès. En fait, bien qu'un certain nombre de NCE approuvées aient enfreint la règle du poids moléculaire ou du logP calculé, seuls 8 % des candidats médicaments enfreignaient ces deux règles.
Globalement, les NCE qui obtiennent l'approbation tendent à être plus petites, moins lipophiles, à posséder une flexibilité rotative et moins d'anneaux aromatiques de carbone. Les données indiquent que les molécules possédant les propriétés physicochimiques suivantes sont plus susceptibles de se transformer en médicaments :
- Poids moléculaire ~ 400
- clogP = 2,8 - clogD7,4 = 1,8
- sp3 fraction = 0,42
- Nombre d'anneaux aromatiques = 2,1
Il est intéressant de noter que les composés possédant des valeurs clogP ou clogD7,4 élevées sont plus susceptibles d'échouer pour des raisons de sécurité clinique, alors qu'aucune association de ce type n'a été démontrée pour les échecs de toxicologie précliniques. Les composés zwittérioniques ont plus de chances de survivre à la toxicologie préclinique, mais leur taux d'échec est plus élevé en raison d'une pharmacocinétique médiocre.
2. Il est essentiel de comprendre la relation maladie-cible
Même si la sélection de meilleurs candidats médicaments est un moyen de favoriser le succès du développement pharmaceutique, il est également important de concentrer des efforts sur les bonnes maladies cibles. Comme l'a démontré la progression décevante de médicaments ciblant les maladies neurodégénératives comme Alzheimer, il est indispensable de comprendre parfaitement la relation maladie-cible pour parvenir à de meilleurs taux de survie des NCE au cours du développement et des phases cliniques.
L'analyse de réseau est une technique qui s'est avérée payante pour améliorer la sélection des cibles. Elle permet de dépasser le paradigme traditionnel « un effet - une cause - une cible ». En utilisant des données de haute qualité soigneusement organisées, les laboratoires pharmaceutiques peuvent cartographier les interactions entre nœuds. Combinées à des données génomiques, ces réseaux peuvent fournir un ensemble puissant d'analyses pour obtenir des perspectives plus approfondies sur les voies de la maladie.
3. Regarder au-delà du dogme traditionnel de la R&D
Il est évident que le pipeline établi pour produire des médicaments « blockbusters » ne fonctionne pas correctement. L'approche traditionnelle nécessite que l'on se concentre sur des maladies généralement chroniques et multifactorielles, tout en s'appuyant sur un investissement multicouches et en nécessitant des essais cliniques à grande échelle. Finalement, ce modèle est devenu trop encombrant et trop coûteux à gérer.
Pour gérer l'attrition liée à la rationalisation du portefeuille, certains laboratoires pharmaceutiques s'éloignent du modèle traditionnel et forment des partenariats plus collaboratifs. Au lieu de conserver des services fantômes et de se contenter d'externaliser les domaines d'expertise, ces laboratoires reconsidèrent l'approche traditionnelle et complète en donnant à leurs sociétés partenaires l'autonomie nécessaire pour agir comme de véritables centres de compétences. Cette structure contribue à augmenter l'efficacité et à déterminer plus rapidement si les médicaments (et leurs cibles) sont commercialement viables.
Regardez le webinaire : le défi de l'attrition dans les nouvelles entités chimiques
L'attrition représente un défi majeur dans le développement pharmaceutique : il est donc essentiel que les laboratoires utilisent les meilleures stratégies pour garantir la progression des NCE de la paillasse de laboratoire jusqu'au chevet des patients.
Regardez notre webinaire avec le Dr Kelvin Cooper, consultant de KC Pharma Consulting et ancien premier vice-président de Pfizer, pour mieux comprendre les défis entourant le développement des NCE et les stratégies à même de les surmonter.
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