Les nanoparticules lipidiques sont un composant essentiel des vaccins à ARNm de Pfizer/BioNTech et Moderna contre la COVID-19 , jouant un rôle clé dans la protection et le transport efficace de l'ARNm au bon endroit dans les cellules. Il s'agit de liposomes de nouvelle génération qui font appel aux nanotechnologies et sont bien adaptés à l'administration stable et efficace de divers produits thérapeutiques.
Bien que les vaccins à ARNm aient suscité un grand intérêt au niveau mondial car ils constituent un nouveau type de médicament, les nanoparticules lipidiques occupent une place de choix dans les systèmes d'administration de médicaments (DDS) depuis la découverte des liposomes dans les années 1960. Examinons de plus près ce que sont les liposomes, leur évolution et leur potentiel d'utilisation dans d'autres industries.
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Liposomes - précurseurs des nanoparticules lipidiques
Les liposomes sont des vésicules fermées à bicouche lipidique qui se forment spontanément dans l'eau (voir fig. 1A), essentiellement une capsule de gras. Ils ont été découverts dans les années 1960 et leur potentiel en tant que systèmes efficaces d'administration de médicaments a été presque immédiatement reconnu. Au cours des dernières décennies, les scientifiques ont travaillé sur la conception des liposomes afin de contrôler leur lieu d'action, la durée de leur circulation dans l'organisme, ainsi que l'endroit et le moment où leur contenu est libéré.
Les liposomes se sont avérés être une plateforme de nanotransporteurs extrêmement polyvalente, car ils peuvent transporter soit des médicaments hydrophiles dans la partie aqueuse à l'intérieur de la vésicule , soit des médicaments hydrophobes dans la région de la chaîne hydrocarbonée de la bicouche lipidique (voir fig. 1B).
Ils sont extrêmement importants dans le domaine thérapeutique, font progresser la médecine et ont été utilisés dans de nombreux essais cliniques pour l'administration de médicaments anticancéreux, anti-inflammatoires, antibiotiques, antifongiques et anesthésiques, ainsi que pour l'administration de thérapies géniques. En fait, les liposomes sont la première plateforme d'administration de nanomédicaments qui soit passée passer avec succès du concept à l'application clinique. Plusieurs préparations pharmaceutiques ont été approuvées, par exemple Doxil, pour l'administration de l'inhibiteur chimique doxorubicine dans le traitement du cancer de l'ovaire, et Epaxal, pour l'administration de l'antigène protéique comme vaccin contre l'hépatite, et beaucoup d'autres applications sont en cours de développement. Comprendre comment ils ont été développés nous aidera à ouvrir la voie à de futures utilisations potentielles.

Fig. 1. Représentation schématique de : (A) un liposome ; (B) un liposome encapsulant des médicaments hydrophobes et hydrophiles ; (C) un immunoliposome fonctionnalisé avec des ligands de ciblage ; (D) un liposome stérique stabilisé (« furtif ») fonctionnalisé avec des polymères inertes comme le PEG
Évolution en tant que système d'administration ciblée de médicaments
Malgré leurs avantages, les liposomes présentent quelques inconvénients : leur temps de circulation dans le sang est court, ils sont instables dans le corps humain et ne permettent pas un ciblage sélectif. Plusieurs évolutions majeures ont été apportées à leur construction pour surmonter ces difficultés :
- Pour améliorer le ciblage des tissus, la surface des liposomes a été modifiée avec des ligands ou des anticorps qui permettent au liposome de reconnaître et de se lier à des récepteurs spécifiques sur les cellules (fig 1C). On parle alors d'immunoliposomes.
- Pour améliorer leur longévité dans la circulation sanguine, la surface a été recouverte de polymères inertes biocompatibles tels que le PEG (Fig 1D), qui passe inaperçu.
- Pour assurer une libération contrôlée du médicament encapsulé, les scientifiques ont conçu des liposomes réactifs aux stimuli sensibles à la température et au pH. La perméabilité de la membrane est accrue pendant une transition de phase des lipides dans les formulations, déclenchée par un stimulus
Les nanoparticules lipidiques ont une architecture lipidique interne plus complexe que les liposomes traditionnels et une présence aqueuse interne minimale. La stabilité physique a encore été améliorée par le développement de nanoparticules lipidiques solides (SLN) et de supports lipidiques nanostructurés (NLC), ce qui permet de remédier à l'une des principales limitations des formulations basées sur des émulsions. Les cubosomes constituent l'amélioration la plus récente. Il s'agit de nanoparticules très stables formées d'un lipide en phase cubique et stabilisées par une couronne externe à base de polymère.
Les nanoparticules lipidiques cationiques comme supports d'acides nucléiques
De nombreuses molécules thérapeutiques actuelles sont de petites molécules et des produits biologiques. Toutefois, de plus en plus de scientifiques dépassent le cadre des produits biopharmaceutiques traditionnels pour se tourner vers des thérapies plus complexes et spécialisées, notamment les oligonucléotides (molécules à base d'ARN, d'ARNm, d'ARNsi et d'ADN) qui peuvent combattre la maladie au niveau génétique.
Les thérapies à base d'acide nucléique constituent une toute nouvelle catégorie très intéressante de produits biologiques. L'un des principaux défis à relever pour leur adoption a été de garantir leur administration efficace. En effet, les propriétés physico-chimiques des acides nucléiques, telles qu'une charge négative et l'hydrophilie, empêchent la diffusion passive à travers la membrane plasmique. Ils sont également sensibles à la dégradation par les nucléases. Par exemple, l'ARNm libre se décompose rapidement dans l'organisme, ce qui diminue son efficacité.
Pour éviter cela et améliorer la stabilité, une technologie avancée est nécessaire, et c'est là que les nanoparticules lipidiques entrent en jeu. Actuellement, le système de vecteur non viral le plus utilisé comprend un lipide synthétique chargé positivement (cationique). Ces derniers forment des complexes stables, appelés lipoplexes, avec des acides nucléiques chargés négativement (anioniques). Entourés par des lipides chargés positivement (voir fig. 2), les acides nucléiques sont plus stables et résistants à la dégradation par les nucléases.

Fig. 2. Structures suggérées de transporteurs de vaccins à base de nanoparticules lipidiques : ARNm organisé en micelles lipidiques inverses à l'intérieur de la nanoparticule (A) ; ARNm intercalé entre les bicouches lipidiques (B1).
Réactions allergiques aux vaccins à ARNm contre la COVID-19
Malgré leurs avantages évidents pour l'administration de médicaments, les nanoparticules lipidiques ont un effet secondaire indésirable : elles peuvent induire une réaction allergique, en particulier chez les personnes souffrant d'allergies graves. Toutefois, les réactions sont rares et les chercheurs estiment à 1,1 cas de choc anaphylactique par million de premières doses du vaccin de Pfizer/BioNTech contre la COVID-19.
Les compositions des nanoparticules lipidiques sont très similaires pour les deux vaccins (Pfizer/BioNTech et Moderna) : un lipide cationique ionisable, un lipide PEGylé, du cholestérol et le phospholipide distéaroylphosphatidylcholine (DSPC) comme lipide auxiliaire. Les scientifiques pensent que ces réactions sont liées au composant PEG-lipide du vaccin, car le risque de sensibilisation semble être plus élevé avec les formulations comprenant des PEG de poids moléculaire plus élevé, comme le PEG3350 - PEG5000. Il convient de noter que les vaccins à ARNm ne contiennent que du PEG2000.
Nom du lipide | Abréviation ou code de laboratoire |
Numéro de registre CAS |
Vaccin de Pfizer/BioNTech 1, 21-22 | ||
((4-hydroxybutyl)azanediyl)bis(hexane-6,1-diyl)bis(2-hexyldécanoate) | ALC-0315 | 2036272-55-4 |
2-[(polyéthylène glycol)-2000]-N, N-ditétradécylacétamide | ALC-0159 | 1849616-42-7 |
1,2-Distéaroyl-sn-glycéro-3-phosphocholine | DSPC | 816-94-4 |
cholestérol | 57-88-5 | |
Vaccin de Moderna 2, 22-23 | ||
heptadécane-9-yl 8-{(2-hydroxyéthyl)[6-oxo-6-(undécyloxy)hexyl]amino}octanoate | SM-102 | 2089251-47-6 |
1,2-dimyristoyl-rac-glycéro-3 méthoxypolyéthylène glycol-2000 | PEG2000-DMG | 160743-62-4 |
1,2-Distéaroyl-sn-glycéro-3-phosphocholine | DSPC | 816-94-4 |
cholestérol | 57-88-5 |

Fig. 3. Structures des lipides des NPL délivrant les ARNm
Utilisations futures des nanoparticules lipidiques
Alors que les nanoparticules lipidiques repoussent les limites de l'administration de médicaments, elles pourraient également avoir un énorme potentiel dans les industries des soins de beauté, des cosmétiques et de la nutrition en tant qu'alternatives aux émulsions.
De nombreuses applications prometteuses existent. Par exemple, elles sont idéales pour les applications dermocosmétiques , en permettant une libération contrôlée des actifs et une meilleure pénétration pour augmenter l'hydratation de la peau. De plus, leur excellente stabilité physique et leur compatibilité avec d'autres ingrédients permettent de les ajouter facilement aux formulations existantes. L'utilisation de ces systèmes rend les émulsifiants inutiles, permettant aux scientifiques de créer des produits de meilleure qualité.
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1Kulkarni, J. A., Thomson, S. B., Zaifman, J., Leung, J., Wagner, P. K., et al. (2020) Spontaneous, solvent-free entrapment of siRNA within lipid nanoparticles. Nanoscale 12, 23959-23966.