Résumé analytique : ce qu'il faut savoir au sujet de l'immunogénicité du PEG

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La pégylation est une technique de pointe permettant d'améliorer les systèmes d'administration de médicaments, mais elle possède aussi un inconvénient : elle peut provoquer des réactions immunitaires qui réduisent l'efficacité et l'innocuité du médicament. Conçue pour les responsables de la R&D, ce bref article démontre comment il est possible de surmonter cet obstacle. Il récapitule les dernières tendances et les opportunités, la structure PEG-lipide, la composition et les propriétés des NPL et les paramètres pharmaceutiques qui affectent leur immunogénicité et leur efficacité. Approfondissez vos connaissances et partagez-les avec votre réseau :

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Le guide ultime des nanoparticules lipidiques pégylées

Rumiana Tenchov, Information Scientist, CAS
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Le pouvoir du polyéthylène glycol

Le polyéthylène glycol (PEG) est un polymère flexible, non toxique et hydrophile possédant un large spectre d'applications, des produits de soins personnels aux formulations pharmaceutiques. Les lipides pégylés sont largement utilisés dans les formulations de nanoparticules lipidiques (NPL) pharmaceutiques pour les médicaments anticancéreux comme la doxorubicine, l'irinotécan et la cisplatine, ainsi que pour le patisiran d'ARN à faible interférence et les vaccins à ARN messager développés par BioNTech/Pfizer et Moderna. La modification des produits pharmaceutiques pégylés est une approche largement mise en œuvre pour réduire la clairance par le système réticulo-endothélial, prolonger la durée de circulation, améliorer la pharmacocinétique et renforcer l'efficacité du médicament.

Toutefois, des études ont rapporté des réactions immunitaires inattendues contre les nanovecteurs pégylés. En outre, certaines réactions d'hypersensibilité, y compris des chocs anaphylactiques, ont été signalés en association avec de nombreuses formulations contenant du PEG. Cet article explore la manière dont différents paramètres structurels des lipides PEG affectent les réactions immunitaires et les activités des NPL en matière d'efficacité d'administration des médicaments.

L'intérêt croissant pour la recherche sur les protéines pégylées

Le marché mondial des protéines pégylées devrait connaître un essor considérable au cours des cinq prochaines années : on estime qu'il pourrait représenter 2,1 milliards de dollars d'ici à 2028. Cette croissance est en grande partie due à la croissance du taux de cancers dans le monde, même si cette technologie est de plus en plus utilisée pour combattre d'autres maladies.

Les formulations de NPL pégylées sont largement explorées comme options thérapeutiques contre différentes maladies et affections et fortement représentées dans CAS Collection de contenusTM. Même si près des deux tiers des applications des NPL (64,5 %) portent sur le cancer, ces particules sont également utilisées dans des médicaments anti-inflammatoires (4,5 %) et antiviraux (3,9 %) (figure 1).

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Figure 1. Étude des formulations de NPL pégylées en tant que médicaments contre différentes maladies et troubles selon la Collection de contenus CAS.

 

Le polyéthylène glycol est considéré comme une substance à faible immunogénicité. Il existe pourtant des preuves croissantes indiquant qu'il déclenche des réactions immunogènes, en particulier lorsqu'il est associé à d'autres éléments tels que les protéines et les nanovecteurs. Il est intéressant de noter que l'on trouve des anticorps anti-PEG dans la population générale, chez des personnes qui n'ont probablement jamais reçu de traitement pégylé systémique. En outre, certains composés modifiés par PEG induisent des anticorps supplémentaires contre le polyéthylène glycol, ce qui peut affecter l'efficacité et l'innocuité du médicament.

Alors que plus de 50 millions de rappels de vaccins contre le SARS-CoV-2 ont été administrés aux États-Unis à ce jour, plusieurs questions se sont posées quant à l'innocuité immunologique du polyéthylène glycol, notamment les NPL pégylées. Des chocs anaphylactiques ont été rapportés chez un petit nombre de patients (2,5 à 4,7 par million en avril 2022), peu après l'administration des vaccins Pfizer-BioNTech (Cominarty®) et Moderna (Spikevax®) contre la COVID-19. Les données de la collection de contenus CAS indiquent une croissance annuelle du nombre de documents liés aux lipides pégylés et à leurs effets indésirables immuno-induits jusqu'à l'année 2021 comprise (figure 2).

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Figure 2. Croissance annuelle du nombre de documents (brevets et autres) dans CAS Collection de contenus liés aux effets indésirables immuno-induits des lipides pégylés, notamment la génération d'anticorps anti-PEG, la clairance sanguine accélérée (ABC) et les pseudo-allergies liées à l'activation du complément (CARPA).

Comprendre l'immunogénicité de la pégylation

La clairance sanguine accélérée (parfois appelée « phénomène ABC ») est une réponse immunogène inattendue observée dans les substances pégylées qui provoque une clairance rapide des nanovecteurs pégylés. Le phénomène ABC a été largement observé après des administrations répétées, entraînant une baisse de l'efficacité des substances conjuguées au PEG et des nanovecteurs.

Une autre réaction immunitaire imprévue est une hypersensibilité appelée CARPA, qui réduit considérablement l'innocuité des nanovecteurs pégylés et est associée à une baisse de l'efficacité des traitements pégylés dans les essais cliniques. Le phénomène CARPA a été classé comme une pseudo-allergie non médiée par les IgE, provoquée par l'activation du système du complément.

L'association entre la pégylation et les effets indésirables immunomédiés de l'ABC et de la CARPA est étayée par des données de CAS Collection de contenus, qui soulignent que la pégylation est un concept clé lié à ces effets indésirables (figure 3).

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Figure 3. Concepts clés liés aux effets indésirables immuno-induits par des lipides pégylés comme la génération d'anticorps anti-PEG, l'ABC et la CARPA, selon CAS Collection de contenus.
 

La partie polyéthylène glycol de la structure lipidique pégylée est extrêmement hydrophile, flexible et mobile. Les composants de la structure chimique lipidique pégylée (figure 4) contribuent à l'amélioration de la stabilité des NPL, mais peuvent aussi affecter leur innocuité et leur efficacité :

  • La longueur du PEG est un facteur structurel essentiel qui influe sur l'innocuité immunologique. Cet effet semble biphasé, les conjugats de PEG à longue et à courte chaîne semblant plus susceptibles d'induire le phénomène d'ABC.

  • À l'instar de la longueur du PEG, la densité du PEG (c'est-à-dire le pourcentage de PEG dans les NPL) présente également un effet biphasé. Toutefois, ce sont à la fois les densités supérieures et inférieures de PEG qui présentent un phénomène ABC réduit.

  • Les différences dans l'architecture du PEG peuvent jouer un rôle, les conjugats PEG-lipides ramifiés conférant des propriétés de camouflage supérieures aux NPL qu'aux PEG linéaires.

  • Les groupes terminaux fonctionnels annexés aux chaînes de particules de PEG constituent un facteur supplémentaire qui influe sur leur immunogénicité et leur taux de clairance.

  • Les paramètres tels que la taille et la surface de charge peuvent aussi affecter l'immunogénicité. Par exemple, les vecteurs pégylés comprenant des phospholipides à charge négative peuvent stimuler le système immunitaire via l'activation des compléments, de façon plus importante que les vésicules non chargées.

  • Comme la partie PEG, la structure et la longueur de la chaîne hydrophobe lipidique peuvent également déterminer l'ampleur des effets immunogènes, mais aussi l'efficacité.

  • Le groupe d'ancrage lipidique spécifique utilisé (par ex. le cholestérol en tant que groupe d'ancrage) produit des NPL pégylées à perméabilité plus longue dans la circulation et une biodisponibilité systémique supérieure.

  • La liaison lipidique est un paramètre important dans la conception et la performance des lipides, où la substitution d'une liaison d'ester pour une liaison de carbamate permettait la formation de vésicules instables.

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Figure 4. Plan de la structure lipidique pégylée. Dans la partie lipidique, on utilise un fragment de cholestérol au lieu du fragment diallylique hydrophobe plus largement utilisé.

 

Renforcement de l'innocuité et de l'efficacité du polyéthylène glycol dans les médicaments

Même si la pégylation est devenue la référence en matière de modification des nanovecteurs pharmaceutiques pour développer des systèmes efficaces d'administration de médicaments, l'immunosécurité est un problème majeur dans la recherche actuelle et le développement de nanomédicaments comme les NPL. En fait, plus de 200 essais cliniques sont actuellement enregistrés sur ClinicalTrials.gov et visant à examiner l'innocuité des lipides pégylés, principalement la doxorubicine liposomale pégylée dans différentes tumeurs solides et les vaccins à ARNm contre le SARS-CoV-2, Comirnaty® et Spikevax®.

Il est indispensable de comprendre les facteurs qui affectent la production d'anticorps anti-PEG, à la fois pour les chercheurs et les cliniciens, afin de développer de nouveaux vecteurs médicamenteux ou d'ajuster la voie d'administration et le calendrier d'injection pour garantir la plus haute efficacité de traitement.

Une série de polymères alternatifs, comme le poly(oxazoline), l'alcool de polyvinyle et le polyglycérol ont été étudiés pour surmonter les problèmes immunogènes liés au polyéthylène glycol. Malgré des bienfaits prouvés, aucun agent ne s'est jusqu'à présent avéré supérieur au PEG en termes d'augmentation de la performance pharmacocinétique des NPL, qui portent leurs propres risques d'hypersensibilité. Des polymères alternatifs qui imitent les propriétés de camouflage du polyéthylène glycol, notamment les polymères zwitterioniques et hydrophiles, sont en cours de développement.

Même si les recherches récentes ont contribué à élucider bon nombre de facteurs qui contribuent à l'immunogénicité, la toxicologie immunitaire des nanomédicaments est un domaine de recherche largement inexploré, situé à la vaste intersection de la nanotechnologie, de l'immunologie et de la pharmacologie. L'amélioration des connaissances dans ce domaine peut nous permettre de développer des formulations pharmaceutiques optimales qui diminuent les réactions immunitaires indésirables et renforcent l'innocuité et la sécurité des médicaments pégylés.

Lisez notre synthèse ou notre article détaillé, révisé par des pairs et publié dans Bioconjugate Chemistry.

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Revue révisée par des pairs : immunogénicité et innocuité des vaccins au polyéthylène glycol (PEG)

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Les nanoparticules lipidiques ont redéfini les possibilités en termes d'administration de médicaments, du succès considérable des vaccins contre la COVID-19 à une longue histoire de nouveaux mécanismes d'administration de médicaments. Or, il peut y avoir un écueil : des réactions immunitaires qui risquent de compromettre l'innocuité et l'efficacité des nanoparticules lipidiques pégylées. Alors qu'une multitude de nouveaux traitements fascinants à l'ARN font leur apparition, comment surmonter cet obstacle ? Découvrez ces tendances émergentes, ces opportunités et ces défis dans notre dernier article révisé par des pairs publié dans Bioconjugate Chemistry.

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Défis et opportunités dans les études sur la relation structure-activité (SAR)

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Une conversation avec Ben R. Taft, titulaire d'un doctorat, Directeur général de la chimie chez Via Nova Therapeutics

Alors que le corpus de connaissances ne cesse de croître et que les technologies progressent à grands pas, le secteur de la recherche de médicaments connaît une évolution rapide. Les défis d'hier deviennent les opportunités d'aujourd'hui, lesquelles deviendront courantes dans le monde de demain. Dans cette série d'articles en cours, nous partageons nos conversations récentes avec des professionnels de la recherche de médicaments qui cernent ce carrefour entre défi et opportunité. Nous espérons que ces discussions vous intéresseront et que vous les trouverez aussi instructives que nous.

Ce premier article présente une conversation avec Ben R. Taft, titulaire d'un doctorat, Directeur général de la chimie médicinale chez Via Nova Therapeutics, au sujet des défis et des opportunités des études sur la SAR.

CAS : Quel est le plus grand changement que vous ayez vécu dans les études sur la SAR depuis votre arrivée dans ce domaine ?

Ben : Les transformations dans le monde des données. L'orientation vers la numérisation dans ce secteur a sans aucun doute été très marquante.En parallèle, on a également assisté à une explosion de la science des données et des outils de visualisation et d'interprétation des données. Alors que la numérisation rend les données plus accessibles, on assiste au développement d'outils permettant de connecter toutes ces données, en les liant ensemble et en les associant à d'autres données, afin de permettre aux équipes de travailler beaucoup plus efficacement. Ces outils nous permettent d'identifier les tendances en matière de données et de faire de nouvelles observations qui nous étaient inaccessibles auparavant.

Par ailleurs, on assiste à la croissance et au développement de l'apprentissage machine (ML) et de l'intelligence artificielle (IA). Lorsqu'on assemble toutes ces pièces, on constate qu'il se passe beaucoup de choses vraiment fascinantes dans le monde des données.

CAS : Je suis heureux que vous ayez mentionné l'apprentissage machine, dont on parle beaucoup depuis quelque temps. En quoi l'IA et l'apprentissage machine affectent-ils la découverte de médicaments et la SAR ?

Ben : Je pense que ce domaine n'en est qu'à ses balbutiements, mais nous découvrons déjà des impacts sur les prédictions et l'optimisation des structures.Je ne suis pas spécialiste de ce domaine spécifique, mais d'après ce que je comprends, à un niveau très simple, l'apprentissage machine produit l'impact le plus important lorsqu'on dispose de jeux de données très volumineux. Il est utile pour identifier les tendances et les perspectives dans des jeux de données trop volumineux et trop complexes pour permettre aux humains de les trier, mais que l'apprentissage machine peut analyser très rapidement et efficacement. Par exemple, si vous disposez de suffisamment de données de type approprié, vous pouvez créer des modèles qui participeront à la conception de nouvelles structures en prédisant des aspects tels que la solubilité, la bioactivité sur une enzyme, etc.

Un bon exemple de cas dans lequel le jeu de données est trop volumineux pour l'analyse humaine est l'utilisation de bibliothèques encodées par ADN pour sélectionner la bioactivité. Elles génèrent globalement des milliards de points de données en utilisant une sélection de bibliothèques encodées par ADN, puis leurs propres algorithmes d'apprentissage machine personnalisés pour faire le tri parmi ces données et prédire les meilleures structures à synthétiser et retester.

Toutefois, comme me le rappellent toujours mes collègues qui travaillent dans ce domaine, le résultat de tout projet d'apprentissage machine ou d'IA dépend essentiellement de la qualité des données utilisées dans le projet. La qualité de votre modèle et son aptitude à faire des prédictions qui fonctionnent dans le monde réel sont en grande partie limitées par la taille de votre jeu de données et par l'étendue et la diversité de vos données.

CAS : Quel est, selon vous, l'avantage de l'utilisation de l'IA et de l'apprentissage machine ? Est-ce que cela accélère simplement vos travaux ou pensez-vous que cela améliore votre travail ?

Ben : Je pense que cela nous aide à identifier de nouvelles structures que nous n'aurions pas prédites autrement et à faire en sorte de ne pas négliger quelque chose, mais cela améliore également notre efficacité.Considérez les choses comme cela. Dans un projet typique, vous synthétiserez 200 à 2 000 nouveaux analogues d'un médicament pour tenter d'affiner toutes ses propriétés physiques, chimiques et biologiques avant de désigner un candidat médicament parmi cet ensemble de composés. Chacun de ces composés est associé à entre dix et cinquante données ; cela représente beaucoup de données.

Même s'il existe d'excellents outils pour visualiser ces données et nous permettre de rechercher des tendances, des seuils et des fossés d'activité, il subsiste une possibilité d'erreur humaine qui pourrait nous faire manquer quelque chose. En revanche, grâce à l'IA et à l'apprentissage machine, les modèles suggèrent des composés à prioriser en fonction de certaines tendances ou observations et constituent un renfort pour le chercheur. Ils nous fournissent des données supplémentaires pour nous aider à prendre de meilleures décisions plus efficacement.

Toutefois, en dernier ressort, il vous faut toujours synthétiser de nouveaux composés et obtenir des données réelles pour prendre une décision finale.

Je pense que les gens espèrent qu'au lieu d'avoir à fabriquer 200 à 2 000 nouveaux composés pour trouver un candidat médicament, il nous suffirait de produire 20 à 30 composés parmi toutes les conceptions possibles. Malheureusement, je crois que nous n'en sommes pas encore là.

CAS : Même si l'IA et l'apprentissage machine ont encore beaucoup de chemin à faire, quel rôle pensez-vous qu'ils jouent aujourd'hui pour le chimiste dans la recherche de médicaments ?

Ben : Je les considère comme un outil supplémentaire dans la boîte à outils globale dont disposent tous les chercheurs de médicaments.Finalement, notre travail est très complexe et nuancé, et il existe tellement d'incertitude pour faire progresser un médicament des études in vitro à l'utilisation chez l'humain que je ne pense pas que l'IA se substituera aux chimistes dans un avenir proche ! Nous devons réaliser toutes ces études d'innocuité et de toxicologie en travaillant sur différentes espèces d'animaux précliniques, avant d'envisager d'administrer un composé à un humain, car quel que soit le nombre de données, de logiciels et de technologies dont nous disposons aujourd'hui, ces études restent les meilleurs prédicteurs des résultats d'innocuité chez l'humain.

Les outils d'IA et d'apprentissage machine dont nous disposons actuellement facilitent le travail des chercheurs en médicaments et nous apportent de nouvelles informations.

CAS : Passons maintenant du monde virtuel au laboratoire concret. Selon vous, où se situent les plus importants goulets d'étranglement dans la recherche de médicaments à petites molécules ?

Ben : Les goulets d'étranglement sont partout ! L'un des plus importants concerne la synthèse de nouveaux composés.Au cours de l'optimisation des pistes, il faut synthétiser des centaines, voire des milliers de nouveaux analogues pour chaque structure. Comme il faut jusqu'à plusieurs semaines pour synthétiser chaque analogue, il s'agit d'une dépense considérable en temps et en argent, en particulier lorsqu'on tient compte du temps que les chercheurs consacrent à la coordination de tous ces efforts.

Ensuite, lorsqu'on obtient les analogues, il faut les faire passer par des dizaines d'essais, collecter les données et commencer la partie analyse du cycle dont nous venons de parler.

CAS : Envisagez-vous de bonnes solutions pour ce goulet d'étranglement ?

Ben : L'une des technologies qui me semble intéressante est celle des plateformes de chimie à l'échelle micro. Les plateformes de chimie à l'échelle micro permettent une synthèse et une purification rapides de dizaines, voire de centaines de nouvelles molécules médicamenteuses dans un format de plaques en parallèle, en utilisant une robotique et des logiciels de pointe. Ces plateformes sont fascinantes car, en théorie, elles permettent de réaliser le cycle de conception, synthèse, test, analyse et retour à la conception beaucoup plus rapidement que les méthodes classiques et génèrent davantage de données plus rapidement. L'espoir est de pouvoir identifier les meilleurs analogues de médicaments plus rapidement et de prendre des décisions plus rapides.

Ce qui me plaît concernant ces plateformes, c'est qu'elles génèrent des données réelles, pas les données calculées ou prédites que génèrent les plateformes d'apprentissage machine et d'intelligence artificielle. Elles ne vous aident pas à hiérarchiser les analogues à étudier, mais à réaliser l'expérience, afin de pouvoir prendre immédiatement des décisions étayées.

Ben : Cette discussion au sujet des données prédites et des données empiriques soulève un point important que j'aimerais préciser au sujet de la technologie.Une chose est devenue claire pour moi au fil de mes années dans ce secteur et simplement parce que je suis chercheur : nous passons beaucoup de temps à parler de différentes technologies et de différentes stratégies. Individuellement, ces différentes technologies sont souvent d'excellents outils, mais je n'ai jamais vu une situation dans laquelle une technologie ou une stratégie s'applique à chaque projet.

Pour devenir un excellent chercheur dans le domaine des médicaments, il faut être bien familiarisé avec toutes les technologies, stratégies et outils existants, afin de pouvoir évaluer leur adéquation pour chaque projet. Il existera toujours des réserves ou des différences entre les projets individuels de recherche de médicaments et cela rend toutes les situations différentes.

Par exemple, l'IA ne sera pas utile pour chaque projet. Il y a tant de choses différentes à évaluer - la cible, le profil du médicament, la maladie, la population de patients, la manière dont le médicament est administré, l'endroit où il est administré - et tous ces facteurs affectent chaque projet en le rendant unique et différent. Un outil unique tel que l'IA ne constituera pas toujours la bonne solution pour chaque projet.

CAS : C'est un excellent argument concernant le choix de la technologie appropriée pour votre projet ! Parlons maintenant de la recherche de médicaments en général en commençant par les petites molécules. Pourquoi développer des traitements à petites molécules ? Nous avons maintenant des traitements à base de protéines et d'anticorps, des thérapies cellulaires et géniques, des conjugats anticorps-médicaments, des oligonucléotides antisens : quelle est la place des petites molécules ?

Ben : C'est une excellente question et elle correspond parfaitement à ce que je disais : il faut disposer de la technologie adaptée à la tâche et il n'existe pas de solution unique pour tous les problèmes !Les anticorps sont excellents pour certaines choses, n'est-ce pas ? Ils ont une demi-vie extrêmement longue dans le plasma, de sorte qu'on peut les administrer une fois par mois et ils possèdent une capacité de liaison à la cible extraordinairement efficace. Toutefois, du côté des limites, ils sont très coûteux à fabriquer, difficiles à stabiliser, compliqués à distribuer et doivent être injectés, ce qui n'est pas la voie d'administration idéale. Enfin, et c'est peut-être le plus important, sur le plan scientifique, ils ne franchissent pratiquement pas les membranes cellulaires, sauf s'ils sont spécialement conçus ou élaborés pour cela. Il est donc impossible de cibler des cibles biologiques intracellulaires ou intramembranaires, sauf s'ils s'étendent au-delà de la membrane cellulaire ou du tissu.

C'est probablement le facteur différenciateur le plus important entre les petites molécules et les produits biologiques en général : avec les petites molécules, on peut optimiser les propriétés de pénétration dans le tissu de notre choix, dans toute partie du compartiment cellulaire de notre choix. En outre, on peut en parallèle optimiser les propriétés ADME ou DMPK afin que le médicament puisse être administré sous forme de comprimé ou de gélule par voie orale, ce qui s'est avéré être le mode d'administration préféré des patients.

Les petites molécules sont également généralement moins coûteuses à fabriquer et possèdent de meilleures propriétés de stockage, de stabilité et de distribution.

Mais encore une fois, dans certains scénarios, votre programme de recherche de médicament est parfaitement adapté à un profil biologique ou à l'une de ces nouvelles modalités thérapeutiques comme les thérapies cellulaires, les radioligands, le CRISPR, etc.

Toutes sortes de nouveaux produits fascinants arrivent aujourd'hui sur le marché et sont développés, mais aucune de ces technologies ne s'appliquera à chaque projet de recherche de médicament.

CAS : À propos de projets de recherche, pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet de votre mission dans votre société actuelle, Via Nova Therapeutics ?

Ben : Bien sûr ! Nous essayons d'avoir un impact sur les maladies virales majeures que l'industrie pharmaceutique ignore.Via Nova est une société essaimée de Novartis par Don Ganem et Kelly Wong. Nous souhaitions non seulement continuer à travailler sur les programmes que nous avions déjà débutés, mais aussi plonger dans de nouveaux domaines de recherche, en nous concentrant sur les maladies virales auxquelles l'industrie pharmaceutique n'accorde pas de ressources adéquates.

D'une manière générale, l'industrie pharmaceutique ne consacre pas beaucoup d'efforts aux maladies virales sauf si elles sont chroniques, comme l'hépatite et le VIH. Toutefois, il existe de nombreux besoins non satisfaits au-delà de ces pathologies. La COVID nous l'a clairement rappelé. Chez Via Nova, nous travaillons sur des maladies virales aiguës et subaiguës, dont un bon nombre ne possèdent aucun traitement, à l'instar du polyomavirus BK.

CAS : Pour notre dernière question, nous allons vous remettre une baguette magique qui permettrait de résoudre le problème de votre choix dans le processus de recherche de médicaments. Que choisiriez-vous ?

Ben : Je pense que le plus gros problème dans notre secteur est en réalité double.Tout d'abord, le grand public ne comprend pas vraiment comment les médicaments sont découverts ni le temps, les efforts et l'argent qui sont nécessaires pour développer de nouveaux médicaments.Une meilleure transparence et information au sujet de l'industrie pharmaceutique seraient bénéfiques pour tout le monde.

Ensuite, je pense que notre paradigme concernant le financement de la recherche et du développement de médicaments est quelque peu limité, car globalement, tous les financements sont privés. L'argent provient du monde de l'investissement ou du secteur financier et tous les moteurs sont capitalistes. Les projets les plus soutenus ne sont pas nécessairement ceux les plus importants pour les patients, mais ceux considérés comme présentant le meilleur potentiel de rendement financier. Ces décisions se répercutent toutes jusqu'au niveau scientifique, où un chercheur peut avoir une idée brillante de nouveau médicament qui permettrait de soigner complètement une maladie jusqu'alors incurable. Toutefois, si le nombre des patients concernés est limité à travers le monde, il ne s'agit pas d'une stratégie commerciale viable et ce projet risque de ne pas obtenir de soutien.

Je pense qu'à long terme, tout ce problème concernant la hiérarchisation et le financement de la recherche médicale et de la découverte de médicaments aura des conséquences négatives sur les maladies considérées comme prioritaires et sur le coût des médicaments. Une prise de conscience et une formation plus généralisées au sujet du financement de notre industrie et de la difficulté d'obtenir des financements pourraient inciter davantage de gens à réfléchir à la résolution de ce problème et générer de nouvelles idées et de nouveaux modèles de financement de la recherche, soit par le gouvernement, soit par des sources sociales.

Finalement, je me suis lancé dans la recherche de médicaments dans le but de fabriquer des médicaments permettant de traiter, voire de soigner des maladies. Nous devrions veiller à fabriquer des médicaments dont les patients ont besoin, pas seulement les produits qui généreront le plus de bénéfices.

Ben has been working as a medicinal chemist since 2011. After completing his postdoc, he joined Novartis, where he conducted discovery-phase research for oncology indications. While at Novartis, he transitioned to infectious disease drug discovery. He then joined Via Nova Therapeutics, a Novartis antiviral spinout founded by Don Ganem and Kelly Wong, when Novartis exited the infectious disease space.

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Publication révisée par des pairs : nouvelles découvertes dans les tendances émergentes concernant le microbiome

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Ce nouvel article révisé par des pairs et publié dans l'ACS Chemical Neuroscience Journal révèle l'influence du microbiome sur notre cerveau et notre santé mentale et décrit sa relation possible avec l'autisme, la schizophrénie et même la maladie d'Alzheimer. Il explore l'impact que peut avoir les bactéries intestinales sur différentes parties du fonctionnement cérébral et les options permettant d'améliorer les bactéries bénéfiques.

Il met en lumière les recherches émergentes relatives à l'amélioration du microbiome intestinal grâce aux probiotiques, aux prébiotiques, aux transplantations fécales, aux interventions diététiques, etc. Il met également en évidence certains des défis et des limites de ce domaine de recherche tout en proposant certaines orientations futures.

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Un ami, pas un ennemi : exploiter le potentiel du microbiome intestinal pour la santé

Janet Sasso, Information Scientist/CAS
Rumiana Tenchov, Information Scientist, CAS
Angela Zhou, Information Scientist, CAS
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Microbiome intestinal : d'une hypothèse ancestrale à un secteur d'activité représentant une valeur de plusieurs millions de dollars

Quel organe du corps humain pèse 2 kg et est plus gros que le cerveau humain moyen ? Le microbiome intestinal n'est peut-être pas la première réponse qui vient à l'esprit, mais on l'a qualifié « d'organe oublié » en raison de son influence majeure sur notre physiologie et nos pathologies.

Au XXe siècle, le microbiologiste russe lauréat du prix Nobel Élie Metchnikoff fut le premier à identifier le potentiel de manipulation du microbiome humain avec des bactéries positives pour l'hôte présentes dans le yaourt, en vue d'améliorer la santé et de retarder le vieillissement. Cette hypothèse ancestrale s'est transformée en une industrie d'une valeur de plusieurs millions de dollars depuis qu'une activité remarquable a incité Forbes à désigner les années 2010 comme Décennie du microbiome. La valeur du marché mondial du microbiome humain a été estimée à 269 millions de dollars en 2023 et on prévoit qu'elle atteindra 1,37 million de dollars d'ici 2029, avec un TCAC de 31,1 % jusqu'à cette date.

L'influence du microbiome intestinal sur notre santé

Les quatre phylums résidents dominants de l'intestin humain sont les firmicutes (qui contiennent des lactobacilles), les bactéroïdes, les actinobactéries (qui contiennent des bifidobactéries) et les protéobactéries. Les microbiotes humains collaborent étroitement avec le tube digestif pour exercer cinq fonctions principales, notamment soutenir la maturation du tube digestif, fournir une fonction de barrière contre les pathogènes et les toxines et promouvoir le développement du système immunitaire.

  1. Promouvoir la digestion.
  2. Soutenir la maturation du tube digestif.
  3. Fournir une fonction de barrière contre les pathogènes et les toxines.
  4. Jouer un rôle protecteur dans la promotion du développement du système immunitaire.
  5. Soutenir la synthèse des vitamines essentielles, y compris la vitamine B.

Le matériel génétique important encodé dans le microbiome intestinal est capable de synthétiser les enzymes grâce à des capacités métaboliques polyvalentes et de préserver les fonctions importantes de l'hôte, par exemple les acides gras à chaîne courte, les acides biliaires, les dérivés du tryptophane et de l'indole et les neurotransmetteurs.

Toute perturbation du microbiome intestinal peut déclencher des procédés pathologiques comme des maladies du système digestif (par ex. la maladie inflammatoire de l'intestin), des troubles neurodégénératifs et métaboliques ainsi que des cancers. Plus précisément, on sait aujourd'hui que l'intestin et le système nerveux central communiquent via l'axe intestin-cerveau (GBA) ; la plupart des maladies gastro-intestinales résultent d'une altération des transmissions au sein du GBA qui est influencée à la fois par des facteurs génétiques et environnementaux. Le GBA constitue une cible attrayante pour le développement de nouveaux traitements contre une série sans cesse croissante de troubles liés à la santé mentale et digestive.

Tendances de la recherche sur le microbiome intestinal

CAS a identifié plus de 250 000 articles scientifiques (principalement des articles de journaux et des brevets) liés au microbiome/aux microbiotes intestinaux, dont près de 15 000 sont liés à différents aspects de la santé mentale et intestinale. La littérature liée au microbiome a nettement augmenté au cours des dix dernières années, avec une croissance régulière et exponentielle dans les articles de journaux de 1997 à 2022 (Figure 1). Le nombre de brevets a augmenté rapidement jusqu'en 2004, peut-être en raison de l'accumulation initiale des connaissances et de leur conversion en applications brevetables. Après cette date, l'activité a connu un plateau (Figure 1).

Un examen des concepts clés des publications (environ 4 500 en tout) concernant la recherche sur le microbiome intestinal dans la santé mentale et intestinale a fait apparaître que les termes « immunité » (> 4 000 documents) et « microbiome intestinal » (> 3 500 documents) sont les concepts majeurs dans ce domaine. Le concept de « relation intestin-cerveau » a démontré le plus fort taux de croissance entre 2021 et 2022 (Figure 1).

tableau des tendances
Figure 1. Tendances des publications dans les journaux et des brevets dans la recherche sur le microbiome intestinal liée à la santé mentale et intestinale ; encadré : Tendances annuelles des documents sur le microbiome par rapport au protéome.

On a noté des corrélations entre les microbiotes intestinaux et les troubles mentaux, métaboliques et du système digestif, les maladies cardiovasculaires et neurodégénératives, différents cancers et des maladies immunitaires et auto-immunes (Figure 2).

tableau des tendances
Figure 2. Répartition des publications de CAS Collection de contenu liées aux maladies associées au microbiome intestinal.

La dysbiose, un déséquilibre de la structure du microbiome qui déclenche ultérieurement des changements pathologiques, est une tendance particulière que l'on a remarquée dans les publications analysées, les autres sujets fréquents comprenant la dépression, la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson et la neurodégénérescence (Figure 3).

tableau des tendances
Figure 3. Tendances dans le nombre de publications concernant les problèmes liés au microbiome intestinal de 2016 à 2021. Les pourcentages sont calculés à partir des nombres de publications annuelles pour chaque pathologie, normalisés par le nombre total de publications concernant la même pathologie au cours de la même période. 

Principaux intervenants dans le domaine du microbiome

Un rapport de 2022 estime que plus de 130 entreprises spécialisées dans le microbiome évaluent plus de 200 thérapies dans le pipeline à différents stades de développement. Les principaux organismes d'enseignement publiant dans les journaux étaient des universités et des instituts de recherche, sous l'impulsion du Collège universitaire d'York, de l'Académie des sciences chinoise, de l'université de Californie et de l'université McMaster.

En ce qui concerne l'activité des brevets, les universités et centres médicaux les plus à la pointe comprenaient l'université de Californie et l'université Johns Hopkins, tandis qu'Ares Medical et Merck sont les principaux cessionnaires de brevets (Figure 4).

L'investissement privé augmente rapidement dans la recherche sur le microbiome, ce qui souligne le potentiel clinique des prébiotiques, des probiotiques et du microbiome intestinal dans son ensemble. L'investissement annuel moyen dans ce secteur est passé d'environ 2 milliards de dollars de 2014 à 2017 à un peu plus de 20 milliards de dollars en 2021. Les données relatives à l'investissement montrent clairement un intérêt commercial récent et croissant autour des biotiques et de leur potentiel dans le domaine thérapeutique.

Parmi les investisseurs actifs, on peut citer le groupe français de capital-risque Seventure Partners , les innovateurs américains des sciences de la vie Flagship Pioneering, l'entreprise britannique de biotechnologie Microbiotica, ainsi que la société suédoise de probiotiques Biogaia.

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Figure 4. Principaux cessionnaires de brevets de laboratoires (A) et d'universités et d'hôpitaux (B) concernant des brevets liés à la recherche sur le microbiome intestinal dans la santé mentale et intestinale.

Paysage des essais cliniques pour le traitement de la santé mentale et des troubles digestifs

Plusieurs essais cliniques notables sont terminés et en cours afin d'examiner l'utilisation des biotiques dans les troubles digestifs et mentaux (Tableau 1).

Tableau 1. Essais terminés/en cours à propos de l'utilisation des biotiques dans les troubles de la santé mentale et digestive.

Domaine d'intérêt Traitement Promoteur Présentation générale de l'étude
Constipation fonctionnelle Irrigation rétrograde du côlon avec un surnageant fécal Hôpital de Shengjing, Chine Essai clinique randomisé examinant l'efficacité et l'innocuité de l'irrigation rétrograde du côlon avec une transplantation de microbiotes fécaux dans le traitement de la constipation fonctionnelle pédiatrique (NCT05035784)
Syndrôme du côlon irritable (SCI) Microbiotes fécaux sains Helse Fonna, Norvège La transplantation de microbiotes fécaux a considérablement réduit les symptômes et la fatigue liés au SCI et a nettement amélioré la qualité de vie à la fois après deux et trois ans (NCT03822299)
  MRx1234 (Blautia hydrogenotrophica)  4D pharma plc Les données de l'essai clinique randomisé de phase II plaident en faveur du MRx1234 (administré pendant huit semaines) à la fois pour le traitement du SCI avec constipation et du SCI avec diarrhée (NCT03721107)
  VSL#3; huit souches comprenant des streptocoques, des lactobacilles et des bifidobactéries Centre médical Kaplan-Harzfeld, Israël Étude PROAGE : la prise quotidienne de probiotiques pendant 45 jours par des patients âgés hospitalisés a été associée à une réduction significative des cas de diarrhée et de constipation et à une augmentation nette de l'albumine sérique, de la préalbumine et des protéines chez des patients ≥80 ans (NCT00794924)
  Gélules de probiotiques à souches multiples contenant quatre bifidobactéries, cinq lactobacilles et une espèce de streptocoque Children's Memorial Health Institute, Pologne Essai clinique randomisé qui a démontré qu'un traitement de huit semaines aux probiotiques était associé à des améliorations significatives de la gravité et des symptômes du SCI chez les patients atteints de SCI principalement avec diarrhée (NCT04662957)
Troubles de la santé mentale Boisson aux probiotiques contenant la souche Lactobacillus casei Shirota Indian Council of Medical Research/ Yakult Honsha Co., LTD Un essai clinique randomisé de validation de concept a démontré que la consommation de probiotiques pendant quatre semaines aboutissait à une altération subtile de l'activité du cerveau et de la connectivité fonctionnelle chez des sujets sains réalisant une tâche émotionnelle sans effets majeurs sur la composition des microbiotes fécaux (NCT03615651)
  Lacticaseibacillus paracasei (Lpc-37®)  Chr Hansen, Danemark Un essai clinique randomisé pilote examinant l'efficacité de deux probiotiques administrés pendant 12 semaines à des adultes présentant des symptômes de dépression (définis comme un score de 20 à 40 à l'inventaire de dépression de Beck [BDI-II] ; NCT05564767) 
  Bifidobacterium adolescentis ou une combinaison de Lactocaseibacillus rhamnosus LGG et de Bifidobacterium BB-12 Chr Hansen, Danemark Un essai clinique randomisé pilote examinant l'efficacité de deux probiotiques administrés pendant 12 semaines à des adultes présentant des symptômes de dépression (définis comme un score de 20 à 40 à l'inventaire de dépression de Beck [BDI-II] ; NCT05564767) 
Insomnie Gélules de FMT Third Military Medical University, Chine Un essai clinique randomisé visant à déterminer si des gélules de FMT administrées pendant quatre semaines peuvent améliorer le sommeil chez des patients atteints d'insomnie et leurs effets sur les microbiotes intestinaux et leurs métabolites ainsi que sur les facteurs inflammatoires, les neurotransmetteurs et les hormones sexuelles dans le sang périphérique (NCT05427331)

L'intestin et au-delà : le potentiel croissant du microbiome

Depuis une dizaine d'années, notre point de vue sur nos bactéries natives et leur impact sur notre santé s'est complètement transformé. De très nombreuses activités de recherche portent sur l'utilisation des thérapies du microbiome pour la prévention et le traitement des troubles de la santé digestive et mentale, sous l'impulsion d'un intérêt croissant des laboratoires pharmaceutiques. On a constaté une collaboration importante entre les entreprises de biotechnologie, les établissements d'enseignement et les laboratoires. De ce fait, on peut s'attendre à voir apparaître de nouveaux partenariats à mesure que l'intérêt pour la recherche augmente. Au-delà de l'axe intestin-cerveau, des marchés secondaires émergent dans des domaines tels que la dermatologie, la pneumologie, l'oncologie et le mode de vie général, ce qui suggère que la manipulation des microbiotes pourrait devenir prochainement un moyen intrinsèque d'optimiser notre santé.

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Les progrès dans la lutte contre le fentanyl

Dr. Michael W. Dennis, Esq., Vice President, Legal, PMO and Innovation
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Le fentanyl est un opioïde de synthèse conçu pour soulager rapidement la douleur. Il est jusqu'à 100 fois plus puissant que la morphine et 50 fois plus puissant que l'héroïne. Compte tenu de son coût relativement faible, le fentanyl est souvent mélangé à d'autres substances telles que l'héroïne, la cocaïne et la méthamphétamine. Pourtant, le fentanyl, même à faible dose, peut être mortel et provoquer des overdoses accidentelles. Depuis 2015, le fentanyl et ses analogues sont devenus la cause majeure de décès liés aux drogues aux États-Unis.

Le fentanyl a provoqué une crise sanitaire de grande ampleur. Selon la Commission économique paritaire du Congrès des États-Unis utilisant la méthodologie du CDC, l'impact économique de la crise des opioïdes a été estimé à 1,5 billion de dollars en 2020. Cela inclut le coût des traitements, de la prévention et de l'application des lois. Toutefois, de nouvelles avancées scientifiques pourraient contribuer à réduire le nombre de décès à l'avenir en produisant de meilleurs antalgiques, en réduisant les effets secondaires et en développant des vaccins.

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Figure 1 : Nombre de décès par overdose à l'échelle nationale dans toutes les catégories d'âge aux États-Unis 

L'impact du fentanyl sur la fonction respiratoire

Au niveau le plus élémentaire, le fentanyl fonctionne en se liant à un groupe de récepteurs des opioïdes, µOR, dans le cerveau. Ces récepteurs sont responsables de la perception de la douleur, de l'humeur et de la respiration. Lorsque le fentanyl se lie à ces récepteurs, il peut provoquer différents effets, tels que l'euphorie, la confusion et la sédation, mais ses conséquences les plus dangereuses sont la dépression et l'arrêt respiratoires, la perte de conscience, le coma et la mort.

La dose létale de fentanyl (2 mg) est si infime que, sous forme de poudre, son volume est plus petit que celui d'une pointe de crayon. Plus alarmant encore, le carfentanil (un analogue dangereux dérivé du fentanyl) est 100 fois plus puissant et une dose de 0,02 mg (l'équivalent de quelques grains de sel) suffit pour provoquer la mort.

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Figure 2 : Quantités létales d'héroïne (à gauche), de carfentanil (au centre) et de fentanyl (à droite). Crédit photo :
US Drug Enforcement Agency (DEA), utilisé dans le cadre d'une licence Creative commons public domain  " data-entity-type="file" data-entity-uuid="44943314-153b-4c3a-bbd9-ab01118c8bc7" src="/sites/default/files/inline-images/Lethal_amounts_of_heroin.JPG" />
Médicament opioïde Dose létale Visuel comparatif
Héroïne 30 à 100* mg Petite perle
Fentanyl 2 mg Pointe de crayon
Carfentanil 0,02 mg Grains de sel

*Les quantités létales peuvent varier selon la constitution physiologique, la durée d'utilisation et les substances supplémentaires

Analogues bon marché et facilement dérivés, sources de défis

Le coût de production du fentanyl est relativement faible (env. 1 000 dollars par kilo), mais sa valeur de revente dans la rue peut varier de 50 000 à 110 000 dollars. Cela en fait une drogue très rentable pour les criminels. Le fentanyl est également facile à mélanger à d'autres drogues, comme l'héroïne et la cocaïne, qu'il peut rendre plus puissantes et plus addictives.

Pour échapper à la détection par les autorités, les dealers de drogue synthétisent souvent des analogues du fentanyl. Ces substances sont chimiquement similaires au fentanyl, dont elles diffèrent légèrement par leur structure. Cela les rend plus difficiles à identifier et à suivre.

Plus de 1 400 analogues du fentanyl ont été signalés dans la littérature scientifique. Cela complique énormément la mission des forces de l'ordre pour suivre les dernières tendances de la production de fentanyl.

Les analogues du fentanyl sont des opioïdes extrêmement puissants, souvent utilisés dans les drogues. Environ 42 analogues du fentanyl sont répertoriés comme des substances contrôlées. Ils comprennent l'alfentanil (CAS RN®. 71195-58-9), qui est 600 fois plus puissant que la morphine et le carfentanil (CAS RN. 59708-52-0), qui est 10 000 fois plus puissant que la morphine. Parmi les autres analogues courants du fentanyl qui peuvent provoquer des overdoses, on peut citer l'acétylfentanyl, le butyrfentanyl et le furanyl fentanyl. Le carfentanil est responsable du plus grand nombre de décès.

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Figure 3. Le fentanyl et ses différents analogues avec leurs numéros CAS RN® respectifs. Les points de différence en termes de groupes fonctionnels/structure chimique entre les analogues sont surlignés en bleu. 

Le naloxone, traitement actuel contre les overdoses

En cas d'ingestion ou de transmission de fentanyl, la meilleure solution pour prévenir une overdose est le naloxone (commercialisé sous le nom de Narcan), désormais disponible sous forme injectable ou en spray nasal sous différentes appellations commerciales. Ce médicament en vente libre, récemment approuvé, peut inverser rapidement une overdose de fentanyl ou d'un autre opioïde. Une overdose provoque généralement une sédation, ce qui réduit le rythme respiratoire et augmente l'acidose respiratoire (l'incapacité pour les poumons d'expulser le dioxyde de carbone). Le naloxone remplace le fentanyl ou ses analogues en s'attachant aux mêmes récepteurs neurologiques (à savoir, les µOR) pour inverser les effets du fentanyl en moins de cinq minutes. Contrairement à la morphine, il faut une dose presque 10 fois supérieure de naloxone pour inverser complètement les effets du fentanyl.

Des vaccins futurs pourraient prévenir les overdoses

  1. Le naloxone est un médicament capable d'inverser les overdoses d'opioïdes. Il présente toutefois deux difficultés :
  2. Il doit être administré par une personne qui sait que la victime est en état d'overdose. Il doit être administré dès que possible après l'overdose.

La création d'un vaccin pourrait contribuer à prévenir les overdoses avant qu'elles ne surviennent. Récemment, les scientifiques ont réalisé des progrès importants dans le développement de vaccins contre les troubles liés à la prise d'opioïdes. Ces vaccins sont conçus en associant un haptène qui ressemble structurellement à l'opioïde ciblé (fentanyl, morphine, etc.) dans une protéine vectrice capable de provoquer une réaction immunologique.

Les anticorps produits par l'administration de vaccins spécifiques aux opioïdes agissent en piégeant l'opioïde ingéré et en l'empêchant d'atteindre le système nerveux central (SNC) et les autres organes. Cela permet à l'organisme d'éviter d'activer les voies de récompense et de développer une dépendance à la drogue. Un avantage potentiellement attrayant des vaccins contre les opioïdes tient à leur durée d'action plus longue conférée par les anticorps par rapport aux autres options de traitement comme les injections de dépôt de naltrexone, ce qui pourrait favoriser le respect du traitement par les patients.

Les vaccins monovalents et bivalents aux opioïdes contre le fentanyl, le carfentanil et les combinaisons telles que carfentanil/fentanyl, héroïne/fentanyl et héroïne/oxycodone font l'objet de nombreuses recherches. Ces vaccins pourraient constituer une solution plus proactive et être administrés aux personnes à risque, aux membres du personnel de santé et aux premiers intervenants.

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Figure 4 : Intérêt croissant pour les vaccins aux opioïdes pour le traitement des troubles liés à la prise d'opioïdes.  

Réduire les effets secondaires des antalgiques du futur

Aux États-Unis, le fentanyl est responsable de plus de décès liés à la drogue parmi les jeunes que l'héroïne, la méthamphétamine, la cocaïne, les benzodiazépines et les médicaments sur prescription combinés. Le développement d'opioïdes plus sûrs qui réduisent le risque de dépression respiratoire est crucial. Les progrès dans notre compréhension des poches de liaison, des informations structurelles et du déclenchement en aval des récepteurs clés des opioïdes pourraient nous permettre d'élaborer des opioïdes plus sûrs et de réduire les effets secondaires indésirables.

Les poches de liaison pourraient réduire l'impact respiratoire

On suppose depuis longtemps que le fentanyl et ses analogues diffèrent de la morphine et des autres agonistes des récepteurs µOR par leur aptitude à recruter des molécules de signalisation distinctes en aval. On pensait que cette capacité, parfois appelée signalisation biaisée, expliquait la puissance accrue des effets indésirables associés au fentanyl et à ses analogues.

Des études informatiques ont révélé que la molécule flexible de fentanyl pouvait prendre une pose de liaison dans la poche de liaison des récepteurs µOR, alors que les analogues rigides et volumineux de la morphine n'en étaient pas capables. Historiquement, on ne disposait que d'informations structurelles limitées concernant les interactions du fentanyl et des µOR.

Cela a changé récemment lorsqu'un groupe de chercheurs a utilisé la cryomicroscopie électronique pour déterminer la structure des récepteurs µOR liés au fentanyl et à la morphine (Figure 2B). L'analyse de ces structures a révélé que le fentanyl utilisait une poche de liaison secondaire à proximité du site orthostérique, que la morphine n'était pas capable d'utiliser. L'aptitude du fentanyl à provoquer une dépression respiratoire s'est avérée liée aux changements de conformation qu'il induisait dans les récepteurs µOR, permettant le déclenchement de la β-arrestine. La β-arrestine est une protéine de signalisation dont l'activation peut provoquer une dépression respiratoire.

Sélectivité fonctionnelle dans les signaux en aval

Un corpus croissant de recherches démontre que différents opioïdes peuvent avoir des effets différents sur l'organisme, même s'ils agissent sur le même récepteur. C'est ce que l'on appelle la sélectivité fonctionnelle. Par exemple, l'opioïde lofentanil est plus susceptible de provoquer une dépression respiratoire que l'opioïde mitragynine pseudoindoxyl. Cela est dû au fait que le lofentanil active de préférence des voies de signalisation en aval qui sont associées à la dépression respiratoire, tandis que la mitragynine pseudoindoxyl active de préférence des voies de signalisation en aval impliquées dans le soulagement de la douleur. Cette information récemment découverte au sujet de la sélectivité fonctionnelle pourrait permettre de développer de nouveaux opioïdes plus efficaces dans le soulagement de la douleur et moins susceptibles de provoquer de dangereux effets secondaires.  

Perspectives d'avenir

Depuis quelques années, on met davantage l'accent sur les efforts de prévention afin de réduire le nombre d'overdoses aux opioïdes. Ces efforts comprennent des campagnes de sensibilisation du public, des programmes de distribution de naloxone et des initiatives des forces de l'ordre pour cibler les sources d'opioïdes. Le gouvernement fédéral a également beaucoup investi dans les initiatives de prévention. La stratégie nationale de contrôle des drogues de la Maison Blanche (ONDCP) a annoncé un investissement de 5 milliards de dollars pour favoriser l'accès croissant aux soins de santé mentale, la prévention et le traitement des addictions aux opioïdes.

Le coût élevé des addictions et des overdoses aux opioïdes est un défi majeur pour la santé publique, et il faut en faire plus pour éviter ces tragédies. Les efforts existants pour sensibiliser aux dangers du fentanyl, rendre le naloxone plus largement disponible et interrompre l'afflux de cette drogue vers les États-Unis peuvent être accélérés par les avancées scientifiques émergentes qui pourraient aboutir à de nouvelles formulations de médicaments, à la réduction des effets secondaires et à l'apparition de vaccins pour une protection proactive.   

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